#09: Quelles sont les 6 formes d’agriculture durable ?

Crédit photo: xerficanal.com

Pour mieux comprendre l’agriculture durable, il est important d’assimiler ses différentes formes présente en Occident. Pour se faire, nous rencontrons Gaël Plumecocq, chargé de recherche en économie à l’INRAE à Toulouse (France).

Il nous explique notamment les différentes valeurs qui sous-tendent chacune d’entre elles. Comme nous le verrons, la grande majorité de nos petits producteurs LOCO s’inscrivent dans la forme “Modèle diversifié de proximité”!

Pour faciliter votre écoute, nous vous invitons à vous référer au graphique ci-dessous qui positionne les 6 formes d’agricultures selon deux axes:

(1) Système alimentaire mondialisé vs Dynamique territorialisée,

(2) Intrants exogènes vs Services écosystémiques.

balado loco - gael plumecocq

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Biographie de l’invité

Économiste de formation, Gaël Plumecocq travaille à l’INRAE (un institut de recherche public œuvrant pour un développement cohérent et durable de l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Il est également membre de l’atelier d’écologie politique de Toulouse. Ses travaux actuels portent sur les connaissances et valeurs mises en jeu dans les processus de développement et d’agriculture durable.

Valeurs sous-jacentes à chaque forme d’agriculture durable

  • 1 – Modèle d’agriculture conventionnel

    • Valeur: productivité

    • C’est le modèle pour lequel on recherche une alternative plus durable

  • 2a – Modèle d’agriculture hautement technologique

    • Valeur d’efficience. Il n’y a pas de rupture fondamentale de valeurs avec le modèle d’agriculture productiviste, si ce n’est dans les moyens mis en oeuvre.

  • 2b – Modèle d’agriculture bio-technique

    • Les agriculteurs prennent conscience des effets de pollution sur l’environnement et des effets sur leur santé.

    • On change la nature des intrants utilisés, la nature de la technologie change, mais ça demeure technologique.

    • On reste ancré dans des systèmes globalisés et standardisés.

    • Valeur: on voit une éthique environnementale qui vient se greffer aux valeurs.

  • 2c – Modèle d’agriculture circulaire

    • Voient des opportunités d’agriculture dans les déchets d’autres entreprises (valorisation des déchets)

    • On raisonne en termes de projet et non plus seulement en valeur marchande

    • Valeur: recherche d’efficience, mais l’échelle change. On cherche l’efficience non plus seulement au niveau de la ferme, mais au niveau du territoire.

  • 3a – Modèle d’agriculture diversifié globalisé

    • Orienté vers les systèmes alimentaires mondialisés: il faut quand même répondre aux standards de la grande distribution.

    • Change radicalement les pratiques agronomiques: plus intensive en services éco-systémiques et moins en intrants exogènes.

    • Renouvellement de l’éthique environnementale: prise de conscience que le vivant est productif (la photosynthèse produit de la biomasse)

    • Éthique agronomique: la volonté de retrouver une pratique est des connaissances agronomiques

      • Nécessite de changer le référentiel de métier. Il faut changer l’idée que l’agronomie n’est qu’un itinéraire technique qui ne consiste qu’à appliquer des règles prescrites par les producteurs de semences. L’agronomie telle qu’elle se pratique dans 80% des exploitations agricoles.

    • Implique donc de nouvelles pratiques et une nouvelle vision du métier d’agriculteur

      • Échanges de semences

      • Échanges de savoirs-faire entre agriculteurs

  • 3b – Modèle d’agriculture diversifiée de proximité

    • Orientée vers des systèmes alimentaires localisés

    • Pratiques agronomiques intensives en services éco-systémiques

    • Déclencheur pour passer à ce modèle:

      • le besoin d’autonomie par rapport aux règles, aux normes, aux standards de la grande distribution globalisée

    • Nécessite de nouvelles compétences que tous les agriculteurs n’ont pas forcément envie de développer

        • Nécessite des compétences sociales mais également commerciales pour savoir vendre ses produits

    • Ne favorise plus l’agriculteur qui produit le plus de produits bien conformés, mais plutôt l’agriculteur qui arrive à faire passer l’idée qu’une carotte qui n’est pas droite, c’est une bonne carotte !

    • Ici l’agriculture durable contribue au développement local

  • 3c – Modèle d’agriculture territorialisé

    • Valeur: chaque être vivant a un statut unique dans le règne des êtres vivants. L’idée que les activités agricoles sont par défaut systémique, inter-relié, co-évolutif, co-dépendant.

    • C’est extrêmement complexe de piloter un agro-écosystème et cela nécessite d’avoir un dialogue avec les écosystèmes. Comme si on était en dialogue avec un être vivant.

    • L’idée c’est d’expérimenter énormément pour voir comment se comporte le vivant, en fonction de ce qu’on fait. Autrement dit, s’enraciner à l’échelle du paysage et non seulement du territoire.

    • On parle de gouvernance adaptative aux frontières floues, aux rôles qui peuvent être redistribués.

    • On a une forme de civisme qui est étendue à l’ensemble des êtres vivants.

Impacts sociaux des politiques publiques agricoles

  • Puisque les différentes formes de modèles d’agriculture durables présentes en Occident, incarnent différentes valeurs ; quand on a une seule politique agricole qui s’applique à toutes les formes d’agriculture, on disqualifie de facto certaines pratiques.

  • Quand on utilise un signal monétaire pour changer une pratique agricole, on ne change que le comportement et non pas le système de valeurs derrière. Les agriculteurs adoptent le changement, mais uniquement parce qu’ils sont rémunérés pour le faire. On peut même détruire une solidarité qui était présente naturellement auparavant.

  • Les signaux monétaires permettent de changer les choses à court terme, mais ils ne les changent qu’en superficie.

  • Principe de diversité: on a besoin de cette diversité de l’agriculture durable

    • les bonnes idées, les bonnes innovations se développement particulièrement dans les modèles territorialisés. Il serait dommage de s’en passer.

  • Le problème des politiques publiques quand elles s’adressent aux modèles les plus dominants, est qu’elles ont tendance à inhiber les modèles les plus marginaux.

    • Par exemple, les règles de la propriété privée prohibent les échanges de semences entre les agricultures. Alors que c’est une pratique fondamentale dans les modèles d’agriculture diversifiée.

  • L’idée, ça serait d’avoir un principe de diversité au niveau des politiques publiques et d’avoir des instruments qui soient multipliés. Mais le politique est dominé par cette idée que “one size fits all” ! C’est-à-dire qu’on ne doit avoir qu’une seule politique publique, parce que c’est l’économie !

Exemples d’approches communautaires de l’agriculture

  • Ce ne sont pas toutes les innovations qui ont pour vocation de changer d’échelle, parce qu’elles perdraient toute leur pertinence. Ainsi, pour l’agriculture communautaire, la voie est plutôt dans la multiplication de ces initiatives à petites échelles.

  • Le principe de communauté fonctionne lorsqu’il y a un nombre restreint de personnes. Plus la communauté grossit, plus les règles deviennent difficiles à implémenter.

  • En Amérique du Sud (origine de l’agro-écologie), l’agriculture n’est pas seulement une activité qui génère des revenus. En effet, c’est une activité sociale. Elle sert entre autres, à faire connaître les valeurs de nos aliments, pour les cultiver et se cultiver ensemble. Les écoles peuvent être attenantes à des jardins, parce que c’est une façon d’apprendre.

  • L’idée consiste à déconnecter la production agricole du revenu. Bien sûr que le revenu est important, mais ce n’est pas la seule chose. Le revenu on peut le compenser par autre chose, par du temps, par de la joie de vivre… on n’est pas obligé d’être payé pour travailler dans un champ (loisir, fierté, estime de soi, développer des relations amicales).

  • La production agricole c’est le support de plein de choses, ça vient satisfaire tout un ensemble de besoins.

  • Si le revenu est important, c’est parce qu’il permet de satisfaire plein de besoins (c’est un équivalent commun), d’acheter de la nourriture, de se payer des loisirs… mais il y a plein d’autres moyens de répondre à ces besoins.

  • L’ambition n’est pas de générer des surplus

Pistes de solution pour les politiques publiques

  • Créer des politiques publiques qui permettent d’amortir le coût des transitions d’un modèle à l’autre. Afin d’accompagner et d’aider les agriculteurs à changer leurs modes de production et de commercialisation. Une fois la transition achevée, on les laisse ensuite voler de leurs propres ailes.

Pistes de réflexion concernant les banques et les contrats commerciaux

  • La logique productiviste passe par la massification de la production, par la réalisation d’économie d’échelle. C’est à dire par de l’investissement qui sera amorti parce qu’on change d’échelle de production. Accepter de rembourser des dettes sur le long terme, c’est céder la responsabilité de sa production. On n’est plus complètement maître de la production, on est obligé de faire ce qui marche. Et ce qui marche est ce qui a le moins d’aléas. On est complètement dépossédé de notre pouvoir d’action.

  • Parfois le processus de commercialisation nécessite de vendre sa production à l’avance. On n’est plus propriétaire de sa production, avant même de l’avoir produit.

Un futur possible et souhaitable pour les systèmes de production agricole en 2050?

  • Une agriculture dans laquelle les agriculteurs sont convaincus de travailler pour le bien commun, et que ce bien commun passe par la production de produits sains. À la fois en termes sanitaires, mais aussi environnementaux. Et la garantie que cette production ne passe pas la certification de normes par des organismes certificateurs, mais par une reconnexion du producteur au consommateur. Autrement dit, par la reconstruction d’un lien de confiance entre le producteur et le consommateur.

  • Ça suppose de réduire très fortement les intermédiaires, de dégonfler cette économie où beaucoup de la valeur ajoutée est appropriée par des intermédiaires (négociant, distributeur, etc.)

  • L’agriculteur s’est réapproprié ses moyens de production: la terre, son matériel, ses moyens cognitifs. L’agriculteur est redevenu un agronome.

  • Cela suppose des systèmes mutualistes de protection. Une profession agricole qui s’entraide beaucoup plus qu’elle ne le fait aujourd’hui. Cela suppose de retrouver cette capacité et cette liberté d’action des agriculteurs.

  • C’est une profession qui est pétrie par ses valeurs

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